MOTEUR 2 TEMPS OU QUATRE TEMPS

Un mot sur l'auteur : Pierre Yves Girouard est un passionné de l'aviation depuis son enfance. Il a pu donner libre cours à sa passion vers la fin des années 70 par le biais de l'ultra léger. Ensuite vint la licence de pilote privé, suivit de peu par l'achat d'un avion de fabrication artisanale. Quelques années plus tard, la licence professionnelle et les annotations s'accumulent: instructeur, multi, IFR ? Et, il y a 2 ans, retour à l'ultra léger, création de son école de pilotage d'avion ultra léger : Vortex Aviation Inc s'installe à Saint-Hyacinthe. Pierre Yves totalise près de 5 000 heures de vol; ultra léger et conventionnel confondus dont plus de 1 500 comme instructeur.

2 temps ou 4 temps ?? Voilà la question.

Vous aimez ce mélange d'odeur de métal surchauffé, d'huile et d'essence, vous anticipez avec concupiscence le moment ou vous ouvrirez le capot pour vous salir les doigts en vérifiant l'huile. Peu vous importe de répandre un peu d'essence sur votre belle chemise en purgeant les réservoirs, de vous taillader le bout d'un doigt en découvrant une nouvelle égratignure sur l'hélice. Au point fixe, vous appréhendez mais souriez à cette légère baisse de régime au test des magnétos; celle-là même qui déterminera la faisabilité du vol. La douce vibration du moteur qui vous berce en vol n'est que musique à vos oreilles. Ah, cette belle mécanique qui propulse votre oiseau de métal à travers les vastes étendues célestes au-dessus de contrées sauvages ou la main de l'homme n'a pas encore mis le pied; jusqu'au moment ou? Qu'est qu'il fait c'te Ta?

Hé oui, ça arrive. Le spectre de la panne moteur hante le pilote à chaque vol. Le fameux exercice No 22 de votre carnet de vol, celui-là même que l'on a tant pratiqué à l'entraînement. Celui qui, comme une police d'assurance, n'existe que dans l'espoir de ne jamais avoir à s'en servir. La panne moteur s'étend sur une vaste gamme. Elle va, au mieux, du simple et énervant problème de logistique; soit, sortir l'avion du champ, expliquer tout ça au propriétaire (et à sa femme), défaire les ailes, remorquer, etc? jusqu'à l'accident plus grave et malheureusement plus tragique. Évidemment, si comme moi vous n'êtes pas friands de vols planés non planifiés, le moteur est une partie incontournable de l'avion. D'où le sujet de mon article. Comme le disait si bien Shakespeare : 2 temps ou 4 temps ?? Voilà la question. Ou du moins quelque chose comme ça. Réponse classique à cette question: Ça dépends. Oui, mais encore?Qu'est ce qui détermine donc le choix de l'enthousiaste propriétaire de ce rutilant oiseau multicolore de tube et de toile.

Commençons par le 2 temps. Plein d'avantages: rapport poids puissance indéniablement intéressant. Pour certains modèles, celui-ci est de 2 livres par HP. C'est dur à battre pour Mr. Lycomming. Certains manufacturiers annoncent même des rapports poids puissance encore plus intéressants. Conception mécanique simple; pas d'arbre à came, de soupapes, de culbuteurs, de pompe à huile mécanique, etc.?, c'est à se demander comment ça fonctionne. Ça carbure à l'essence automobile; moins cher à l'achat, disponible partout et sur de plus en plus d'aéroport. Le marché est inondé de moteur usagé (il y a peut être une raison), les moteurs d'occasion ne sont pas rares. Entretien à la portée du mécano amateur, ça, c'est peut-être un désavantage. Que votre mécano de motoneige préféré puisse en faire l'entretien n'est pas toujours l'idée du siècle. Il aura peut-être tendance à y mettre des pièces de motoneige. ?' Ce sont les mêmes moteurs que nos motoneiges? Jamais on a de troub' avec ça. Ça pête jamais. Mon beau-frère a monté Parent l'hiver passée ?'' Mais, le beauf', il n'était pas en vol, avec 3 milles de visibilité, un plafond de 800 pi., un vent de face qui augmente et un GPS qui donne un signal de piles faibles. Les pièces aviation sont toujours de rigueur, même si elles sont plus chères.

 

Désavantages: Ajustements capricieux: comme l'huile est mélangé directement avec l'essence ou injecté à l'admission; le mélange air-huile-essence, en plus d'assurer une combustion adéquate, est aussi responsable de la lubrification des pièces mobiles. Le mélange, affecté par les changements de densité altitude importants, est donc critique. Comme tous les pilotes savent; une augmentation de la densité atmosphérique appauvrit le mélange. Si le mélange appauvrit, la lubrification aussi s'appauvrira, entraînant son lot de problèmes: augmentation des températures de combustion, surchauffe du moteur et éventuellement la panne. Sa lubrification est donc souvent adéquate sans plus. Le temps est plutôt court entre les révisions, TBO bas pour les intimes. Un motoriste autrichien, dont je vous laisserai deviner le nom, préconise le remplacement du vilebrequin à 300 hrs., Comme l'huile est brûlé dans la chambre de combustion, les bougies doivent être changées très souvent, à chaque 12 heures de vol dans certains cas. Sa consommation est abominable, donc il pollue donc plus; en partie aussi à cause de l'huile qu'il brûle. Sans compter les risques d'erreurs lors du pré mélange de l'huile et de l'essence. En résumé; sur un appareil à basse vitesse de décrochage, avec un taux de plané décent, au-dessus de nombreuses ?'surfaces adéquates''; pourquoi pas. Une panne moteur sera, espérons-le, moins dramatique sur ce type d'appareil que sur la machine infernale au taux de plané avoisinant celui du fer à repasser, et dont le propriétaire aime voler au dessus de terrains inhospitaliers à partir d'une piste courte avec des obstacles en montée initiale. Vous avez saisi l'idée. Donc, ça dépend. Tout risque calculé a sa part de calcul et ? de risque.

Maintenant, le 4 temps; généralement plus fiable que le 2 temps et ce, malgré sa conception plus complexe: arbre à came, soupapes d'admission, d'échappement, culbuteurs, poussoirs, pompe à huile mécanique, etc... Le temps entre les révisions est beaucoup plus élevé. Plusieurs 4 temps ont des TBO qui vont de 800 à 1200 hrs et parfois même plus. Messieurs Lycomming et Continental vont jusqu'à 2000 hrs. Ceci est peut-être dû au fait que son système de lubrification, alimenté par une pompe mécanique assure une meilleure lubrification que le 2 temps. Le mélange air-essence, quoique important, n'ayant pas à assurer la lubrification, devient moins critique que pour le 2 temps. Il est donc moins sensible aux changements de densité altitude. Il fonctionne aussi à l'essence automobile et tolèrera mieux l'occasionnel plein de 100LL. Certains modèles de carburateurs ont même un système automatique de compensation atmosphérique. Sa consommation est beaucoup plus modeste, ce qui est un facteur non négligeable du point de vue monétaire mais aussi pour l'autonomie de vol et la charge utile. Il pollue beaucoup moins; on ne brûle pas l'huile on la change. De plus en plus de modèle sont disponibles pour l'enthousiaste; ceux-ci vont de la conversion automobile aux modèles spécialement conçus pour l'aviation légère; en passant bien sûr, par les moteurs propres à l'aviation générale. Le rapport poids puissance est cependant moins intéressant que le 2 temps. Quoique les nouvelles technologies allègent de beaucoup les nouveaux moteurs. Quant aux prix, le 4 temps est souvent plus cher. Cependant, certaines compagnies qui offre de nouveaux modèles de 4 temps commencent à faire de sérieuses percées sur le marché en offrant des modèles dont la puissance et le poids n'ont rien à envier aux 2 temps; et ce, à des prix égaux et parfois même inférieurs à certains 2 temps.

En résumé, que vous ayez besoin d'un moteur pour votre nouvel oiseau ou que vous vouliez changer celui qui vous propulse déjà entre les cumulus, le poids est toujours un facteur à considérer; le centrage de votre appareil est toujours de première importance. Le truc d'installer la batterie dans la queue fonctionne, mais il a ses limites et ses désavantages. Évaluez bien la puissance nécessaire aussi. Un avion qui manque de puissance peut être dangereux à piloter. La surpuissance n'est pas mieux non plus. Voler un appareil doté d'un moteur trop puissant pourrait vous amener à voler constamment trop près de la vitesse à ne jamais dépasser (VNE). Ce qui, au mieux, usera prématurément la structure de votre appareil; au pire, vous y laisserez des plumes. Le budget est souvent aussi un facteur. Même avec un coût d'achat parfois plus élevé, le 4 temps se révèlera plus économique à long terme. Moins énergivore, entretien moins coûteux, TBO beaucoup plus éloigné, plus fiable; sans compter la tranquillité d'esprit. A vous de voir ce qui vous convient le mieux.