Pilotez, naviguez, communiquez

Si c’est la première fois que vous l’entendez, changez d’instructeur. À moins que vous n’en soyez qu’au début de votre formation. Donnons une chance au coureur.

Eh oui, l’ordre de priorités de tout bon pilote. Comme mon instructeur me disait : « Ça ne sert à rien de dire aux autres que ça va mal quand tu vas atterrir dans les arbres en manquant le beau champ juste à coté, parce que tu pilotes l’avion avec ton micro au lieu de faire ta job, piloter ton avion. Garde le bleu en haut et le vert en bas. (L’hiver, on peut troquer le vert pour du blanc, mais jamais le bleu.) S’il te reste une ou deux neurones à ne rien faire, navigue avec une et demie et communique avec l’autre demie.»

Je ne veux pas dire ici que communiquer n’est pas important. Loin de moi cette pensée. Par contre, il faut évidemment piloter d’abord son appareil. C’est pourquoi mon article portera aujourd’hui sur les rudiments des communications radio. Pour le cours complet, le tarif horaire s’applique.

Est-ce que communiquer est si important que ça ? Tous les conseillers matrimoniaux vous diront que oui. Sans cela, comment justifieraient-ils leurs honoraires ? Il est vrai que ceux-ci sont moins onéreux qu’un divorce. Donc, si c’est vrai pour les relations à long terme, c’est sans doute vrai pour votre sécurité en vol. Les pilotes d’expérience, qui volent toujours à partir d’aéroports contrôlés, sont habitués avec les procédures radio, et celles-ci leur sont devenues familières. Mais pour les pilotes moins expérimentés, ou pour ceux qui ne volent qu’en espace aérien non contrôlé, à partir de petites pistes privées ou à partir d’aérodromes où la radio n’est pas obligatoire, le simple fait d’appuyer sur le bouton de transmission de la radio (PTT pour les intimes) impose parfois un stress supplémentaire et très inutile. Entre nous, messieurs, quand vous parlez à la radio, le contrôleur ou toute autre personne à l’écoute de la fréquence ne sait même pas de quoi vous avez l’air. Il ne pourra donc pas vous pointer du doigt sur le perron de l’église après la grand-messe si par malheur vous cafouillez un peu sur les ondes. Pas besoin de stresser avec ça. Ceci ne vous autorise cependant pas à dire n’importe quoi; l’amende pour les gros mots ou les propos non justifiés peut être très salée. Et pour ceux qui l’ignorent, vous devez détenir un certificat d’opérateur radio pour opérer votre radio, ne serait-ce que pour apprendre les procédures appropriées.

Première chose à faire avant de faire une communication radio : allumez la radio. Non, mais sans déconner… Par contre, avant le décollage…l’avez-vous fait ? Est-ce qu’on en fait état sur votre liste de vérifications ? Avez-vous une liste de vérifications? Y a des oreilles qui rougissent….« Bien sûr que oui, me direz-vous (pas pour les oreilles, pour la liste de vérifications), et je la fais RELIGIEUSEMENT » (la liste). Et même que le volume et le squelch sont toujours ajustés convenablement, et que la bonne fréquence y est déjà présyntonisée. Vous faites même toujours une vérification radio. Donc, sacré menteur, votre volume est ajusté, vous êtes sur la bonne fréquence, ensuite ? Ben oui, qu’est-ce qu’on dit ? « Merci », ce n’est pas la bonne réponse. Allez, allez, qu’est-ce qu’on dit? Voilà, vous êtes fin prêt à transmettre, mais bien que vous sachiez ce que vous voulez dire, vous ne savez pas comment le formuler de façon intelligente. Dilemme ! Oreille rouge ! Tarif horaire ! C’est enfin ici que la suite de cet article deviendra, je l’espère, utile. Pour aujourd’hui, le tarif est réduit.

Toutes les communications radio sont structurées de la même façon. Prenons l’exemple du simple rapport de position ou de la communication initiale à l’entrée d’une ATZ (zone de trafic d’aéroport). Pour la définition et les dimensions de ladite ATZ, il existe un petit manuel dont la couverture change de couleur tous les 10 ans; il est valide pour 56 jours, et on le trouve souvent comme presse-papier sur la pile de vieux magazines à l’aéroport, ou parfois, quelque part, la couverture à demi arrachée, dans le compartiment à bagages entre un litre d’huile et quelque chose de gluant. J’ose espérer que vous savez de quoi je parle : pas le gluant, le manuel… Si le vôtre a une couverture verte ou grise, le manuel, pas le gluant, il est temps de vous moderniser. Si le gluant est gris, faites le ménage. (S’il est vert, vous pouvez commencer à y penser.) Donc, la structure de toute communication
se résume à ceci : À qui je parle ? Que suis-je ? Qui suis-je ? Où suis-je ? Qu’est-ce que je veux faire ? Voyez, c’est très facile…

Élaborons un peu. Allons-y d’une hypothèse : l’avion CIXYZ est sur le point d’entrer dans l’ATZ de Beloeil. La transmission pourrait ressembler à ceci. (À qui je parle ?) Beloeil trafic (Que suis-je ?) Généralement, on nommera ici le type d’appareil : Cessna 150, Cherokee, hélicoptère, etc. Quoique, si l’avion est un ultra-léger, on pourrait très bien dire simplement « ultra-léger » ou « ultra-léger pendulaire », le cas échéant. La raison en est de faciliter le travail à tout pilote qui scruterait le ciel à votre recherche. Il aura ainsi une idée de ce qu’il doit chercher et aussi une idée de votre vitesse, par le fait même de votre temps d’arrivée estimé. (« Yousse » que je suis ?) Donc, votre position, « yousse » étant ici le mot latin signifiant « Où est-ce que ? » Pour la position, donnez-la en trois dimensions. Mille cinq cent pieds au-dessus de la rivière Richelieu est un bon début, quoique assez vague. La rivière Richelieu va du lac Champlain jusqu’à Sorel. Pour la précision, on repassera. Le pont de l’autoroute 20, par contre, est déjà mieux; aux dernières élections, on a fait creuser une rivière sous le pont, promesse électorale oblige. Évidemment, assurez-vous d’avoir la bonne fréquence : l’autoroute 20 a plusieurs ponts. On a aussi fait creuser une rivière près de Saint- Hyacinthe. N’oubliez pas l’altitude; un autre pilote approchant votre position serait heureux ou inquiet de savoir votre altitude de passage. La position peut aussi être rapportée en distance et gisement par rapport à l’aéroport : cinq mille au nordest
des installations serait aussi tout à fait valide. Ici, une précision importante s’impose : le Règlement de l’aviation canadien stipule que les altitudes doivent être données en pieds, la vitesse en noeuds, la pression en pouces de mercure, etc. Il stipule aussi que les distances doivent être données en milles nautiques, non pas en milles terrestres ou, pire encore, en kilomètres.

Messieurs, de grâce, si vos indicateurs de vitesses sont en kilomètres/heure, programmez vos GPS en milles nautiques, et naviguez en utilisant cette unité de mesure; ainsi, vous pourrez donner des rapports de positions précis et sécuritaires. En cas de piètre qualité de communication, vous serez plus facilement localisé. Ensuite, donnez vos intentions. C’est souvent aussi simple que : en rapprochement pour atterrir. Ou, si vous connaissez la piste en usage : en rapprochement pour le vent arrière 3-3. N’oubliez pas d’épeler vos chiffres. Quant aux rapports de positions en vol, soyez bref et précis. En vol voyage, il n’est pas nécessaire non plus de redonner votre position chaque fois que vous voyez un clocher d’église. Au Québec, s’il y a une église et un hôtel, c’est un village; et le Québec a un passé très religieux, et il n’y a pas eu de prohibition non plus. Par contre, si vous croyez qu’il y a risque de conflit avec un autre appareil, allez-y de bon coeur, demandez des précisions. Sécurité oblige. Quant à la célèbre et redondante phrase qui termine trop souvent beaucoup de communications radio (attendez que je prenne une grande respiration), « Trafic en conflit, contactez Charlie Foxtrot Alpha Bravo Charlie sur 126 décimale 7 », de grâce, même si la passagère est très jolie et qu’elle est très impressionnable ou impressionnée par votre pilotage, réservez votre douce voix cajoleuse pour l’après-vol. Pensez-y deux secondes et demi : si je suis en conflit avec votre appareil, je vais sûrement prendre les mesures qui s’imposent, pas la peine de me demander de le faire. À mon humble avis, ça bouffe inutilement le temps d’antenne qui pourrait être plus utile à quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui est assez près de vous pour voir que vous portez des verres fumés, par exemple. Évitez aussi de transmettre en même temps qu’un autre. En plus que cela soit impoli, personne ne comprend personne.

Donc, avant de transmettre, assurez-vous que personne n’est déjà en train de transmettre. Par une fin de semaine de beau temps, la fréquence 123,2, entre autres, est très achalandée. Un autre petit détail : si vous voulez connaître la température du moteur de votre copaine de vol ou si vous voulez savoir comment s’est déroulée la fin de sa soirée avec la grande brune de l’autre soir, il existe une fréquence pour vous, familièrement appelée la fréquence des mémères. De grâce, allez-y. Vous pourrez y bavarder tout votre saoul de tout et de rien. N’encombrez pas les autres fréquences. En plus que cela soit énervant pour tout le monde, vous empêchez les autres de l’utiliser. Ceux qui voudront en savoir plus sur la grande brune iront vous écouter sur 122,75.

Pour résumer tout ça : syntonisez la bonne fréquence, ajustez le volume, pensez à ce que vous voulez dire, assurez-vous que la fréquence est libre, pesez su’l’piton, parlez, et n’oubliez pas de relâcher l’piton une fois que vous aurez fini.

Sur ce, messieurs-dames, je relâche le piton et vous souhaite des vents de dos en vol et des atterrissages en douceur.